17/12/2010

Juillet

           
Voici un grand pays
terre de sueur et de sang
voici un peuple puissant
réuni
depuis longtemps
dans une grande nation
depuis ce jour de juillet
qui a vaincu l’oppression
et incendié
le cœur des hommes
dans toutes les contrées
depuis ce jour d’été
où les trois mots
liberté
égalité
fraternité
ont cessé d’être des mots
et sont devenus lumière
ici et sur la terre entière
sont devenus bannière
d’humanité
sont devenus des cris
par millions
sont devenus des vies
nos propres vies
nos chairs brûlantes de passion
et de poésie.

Mais maintenant
que se passe-t-il
peuple de France
on te dirait perdu
comme un enfant
dans une forêt étrange
toi qui étais si sûr
si fier
sachant le bon chemin
et le montrant
contre vents et marées
quel que soit le danger
et quel que soit le temps
maintenant
regarde-toi
tourner ici et là
chagrin
amer
tomber dans des impasses
ou des ravins étroits
toi qui avais tracé la route
on dirait que le doute
a rongé ton esprit
mité ton jugement
éteint tes sentiments.

Pourtant à bien voir
dans la nation
les braises couvent encore
et rien n’a été oublié
ni la révolution
ni la trahison
alors peut-être
que la raison est autre
alors peut-être
qu’on a juste essayé
de te laisser croire
année après année
de t’inculquer
peuple de France
que ta souffrance
vient de toi
de ton incompétence
à escalader
leurs grandes montagnes
de chiffres
de ton inappétence
à te noyer
dans le fatras
économique
à ingurgiter
des statistiques
en guise de repas.

Mais tu ne souffres pas
de ces maux-là
ta désespérance
vient
de ce que tu ne sois plus toi.

Elle vient de la nuit
de ton âme abandonnée
de tes rêves
qu’on a voulu briser
en les traitant de ringards
de vieilleries inutiles
des rêves à remplacer
par des courbes
des graphiques
des indices
des rêves à éliminer
pour que les riches
d’ici et de la planète entière
puissent te rire au nez
et pour que tu ailles te battre
désormais
non plus contre eux
mais contre tes propres frères
de par ce vaste monde de misère.

Ecoute ton cœur
battre et pulser
dans le silence
qui précède l’ouragan
dans la violence ou la douceur
la nuit ou le jour
ton âme indique toujours
juillet.

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