30/10/2011

Savoir n'est pas comprendre

Savoir n’est pas comprendre
et comprendre n’est pas accepter.

J’ai su par le cœur
mais le cœur est fendu
j’ai compris par la tête
mais la tête est perdue
devant la couleur
de ce splendide matin
impossible d’accepter
l’imminence de rien
je dois arriver quelque part
avant qu’il ne soit trop tard.

Alors j’écris
la bouteille va à la mer
elle se perdra sans doute
mais on ne sait jamais
se brisant dans les vagues
elle laissera peut-être
des morceaux de verre dans la chair
de quelqu’un
un frère, un ami, un inconnu
lui-même égaré
devant les mêmes questions
irrésolues.

Moi aussi
je cherche toujours
dans ce que d’autres ont laissé
le sens de nos jours
et comment faire face à la nuit
je plonge dans le vaste océan
de leurs cris
fulgurances et destins
je les appelle au secours
pour descendre très bas
explorer les recoins
sous-marins du moi.

Ainsi j’ai récolté
mille bouteilles à la mer
de chacune j’ai fait
usage de pleurs et de vertu
agrippé à leurs messages
j’ai su
arriver jusqu’ici
et parfois j’ai compris
comment allumer une torche
dans la nuit.

Mais savoir n’est pas comprendre
et comprendre n’est pas accepter.

20/10/2011

Lise Bonnefous


Lise Bonnefous
je ne connais presque rien de vous.

Notice biographique :
prof de maths
44 ans, célibataire sans enfants

Notice nécrologique :
immolée par le feu
dans la cour du lycée Jean Moulin

Situation géographique :
avenue des Martyrs à Béziers
loin de Tunisie
et soudain si près.

Comme pour Mohammed Bouazizi
personne ne sait
où vous êtes allée chercher
ce mélange de courage
et de folie
si vous avez puisé
dans votre désespoir
intime
dans le trou insondable et noir
de votre vie
ou si comme lui
vous l’avez fait
pour nous
pour sauver notre école
et réveiller le pays.
 
C’est ce que je veux croire.

Mais la France d’aujourd’hui
n’est pas la Tunisie
ici nulle révolte à l’horizon
ici c’est le règne
des faux-culs
des déclarations
sans lendemain
de la résignation
camouflée en dignité
ils vous ont enterrée
dans un cercueil de pitié
pour mieux vous oublier.

Seuls à Béziers
vos collègues et vos élèves
qui vous ont vu brûler
et agoniser
vaguent encore
dans le lycée
entre vitres cassées
et portes défoncées,
chacun marche
et tourne en rond
en questionnant
son âme
désemparée.

Ils cherchent la réponse
mais elle est déjà en eux
dans leur tourment
dans leurs yeux
baissés
dans leur sincérité
à approcher
votre message
et saisir votre mystère
par le respect
le silence
le doute
et la colère.

Lise Bonnefous
leur douleur nous parle toujours de vous.

18/10/2011

Quelle heure est-il?

Sous la botte des loups
à croix gammée
il était minuit
dans nos corps anéantis
dans nos âmes dévastées

puis l’aube réussit
on ne sait comment
à se frayer un passage
de Stalingrad à Berlin
apporter le matin.

Le soleil brillait
sur les ruines du Reich
sur nos sourires joyeux
sur notre travail calleux
pour un monde nouveau

l’après-midi
croyant l’avoir bâti
on a dansé heureux le twist
sous les regards du Che
de Kennedy

ah, on aurait voulu danser
comme à Woodstock
à l’infini
mais le ciel se couvrait
et l’ombre à nouveau guettait

à Prague avec les chars
à Londres avec Thatcher
ce fut le soir, puis la nuit
le triomphe de la dureté
le sommeil de l’esprit.

Trente ans plus tard
le mur est tombé
et l’épicière est partie
mais on dirait qu’il fait toujours
aussi noir et gris.

Quelle heure est-il ?

Parfois on croirait à l’aurore
cette lumière qui vient
des jeunes
des indignés
mais le jour ne suit jamais

partout il demeure caché
par l’injustice
et ailleurs comme ici
la bête immonde
a encore fait des petits.

Je me dis
qu’un génie malveillant
a dû casser la mesure du temps
à la manière des Communards
mais à contre-sens.

Les révoltés de Paris
tiraient sur les horloges
comme sur la tyrannie
pour détruire totalement
les barreaux du présent

alors que ce démon
a arrêté le temps
pour nous garder endormis,
il nous rêve peut-être en prisonniers
de son éternelle nuit.

Quelle heure est-il ?
Au travail camarades
c’est l’heure
de remettre les pendules en marche.

06/10/2011

Quello che succede adesso

Pensaci
a quello che succede adesso.
Ti conviene scappare
andare via di fretta
prima che finisca male.

Vent ‘anni di porcherie
sotto l’ombrello
delle tue tivù
basta, hai capito ?
non ne possiamo più.

Uomo della luna ai gonzi
tu ti sei  stra-impinzato
e il Bel Paese l’hai ridotto
a spazzatura
ci hai rottamato.

Ma la solfa ormai
l’hanno capita tutti
onesti  cornuti e saltabaccati
persino i furbetti del quartierino
quelli che hai aiutati

a non pagare mai le tasse
ognuno ti dice addio
e nessuno ti ha mai votato. 
Sei solo
con i coltelli intorno già affilati.

Pensaci
a quello che succede adesso.
Prima del tuo
ci fu un altro ventennio
che fini’ a Milano a testa in giù.