26/06/2014

Censure

Une vieille femme pleure
elle tremble de peur
devant sa maison effondrée.
Des bombes, toujours des bombes
à Slaviansk
crie-t-elle, où aller ?
Ca n’arrête jamais
ah, mon Dieu !
il n’y a plus de pain ni d’eau.

Mains calleuses, terreur, sanglots.
En France vous ne verrez rien. Censure.

Un garçon de vingt ans à Odessa
saute d’un immeuble incendié
par le Secteur Droit
il est blessé
mais vivant
en bas, l’un des bandits lui tire dessus
à bout portant
les autres nazis crient en chœur
‘Gloire à l’Ukraine’.

Meurtre de sang froid.
En France vous ne verrez rien. Censure.

Une femme gît dans son sang
à Lougansk
touchée par des tirs d’avion de combat
elle lève les bras, implore de l’aide
les gens accourent
que peuvent-ils ?
Pas de moyens
de médecins
elle quitte la vie sous leurs yeux.

Lente terrible agonie.
En France vous ne verrez rien. Censure.

Un homme hagard porte
dans ses bras
le corps d’une mince fillette
cheveux blonds,
robe blanche avec fleurs
six ans peut-être
tuée par un raid de la Garde Ukrainienne.
Où va-t-il maintenant
que son plus grand trésor est perdu ?

Regard devenu presque fou.
En France vous ne verrez rien. Censure.

Sur les écrans de France
vous ne verrez rien
pas de nazis au Maïdan
pas de guerre au Donbass
pas d’innocents bombardés
pas de femmes, d’enfants, de vieillards massacrés
pas de maisons pilonnées
pas de gens chassés de chez eux
pas de peuple agressé sur sa terre
pas de souffrances
pas de noble résistance

sur les écrans de France
le réel d’Ukraine jamais ne parvient
jamais il n’existe, jamais n’a existé
le réel
est interdit d’antenne
en tant que machine
de propagande ennemie
le réel est proscrit, à la benne !
Sur nos écrans
on louange les assassins
on cache leurs crimes
on répète leurs mensonges
on les baptise vertus.

Censure. Même la pitié a disparu.

16/06/2014

Courez

Courez courez jeunes gens
femmes vieux familles enfants
la musique dans les oreilles
le regard en avant

courez soufflez ahanez
tee-shirts mouillés
Nike Adidas aux pieds
chaussettes trempées

courez crachez souffrez
ça fait mal comme ça fait du bien
être maître de soi
au moins une fois par semaine

le dimanche matin.

Demain la servitude reprend
de vivre ligotés à ses chefs
aux machines, aux fins de mois
à l’usine, au Pôle Emploi
aux malheurs en cascade
à l’homme qu’on ne veut plus
au souvenir de celle qui ne nous a pas voulu
aux gosses trop petits
devenus trop grands et perdus
aux jalousies, aux regrets, aux ambitions
aux illusions
aux maladies qui guettent, à celles qu’on a déjà
à la peur d’être là et puis d’un coup,
plus du tout.

Alors courez oubliez jeunes gens
femmes vieux familles enfants
le casque vissé sur les oreilles
le regard absent.

11/06/2014

A Slaviansk sous les obus

A Slaviansk sous les obus
armé de peu
manquant de tout
le peuple du Donbass
se terre, tremble et pleure
creuse et enterre ses morts
répare ses murs et soigne ses blessés
se poste aux barricades
résiste encore.
Pour combien de temps ?

Ici, en guise d’explosions
ont retenti longtemps
mensonges gros comme des obus
dynamitant le vrai et la raison
mais le réel têtu revient
déchire le noir voile
les yeux du monde ont vu
les brûlés vifs dans Odessa La Mère
les bataillons nazis tuer à bout portant
les chars tirer sur les passants.
Alors on change, on fait
comme si de rien était
comme s’il n’y avait plus de guerre
ou bien si peu, les plans
sur quelques vagues poignées de main
sourires, on fait
comme si c’était réglé. Sur nos écrans
l’heure a sonné
du rude lourd silence
couvrant la mort qui gronde
cachant les tirs de mortier, les bombes
silence de tombe
pour enterrer à jamais
le peuple du charbon.
Pourquoi donc, Donbass,
n’es-tu pas digne d’indignation ?

Ah, camarades d’Europe et de Russie !
Où sont vos drapeaux, vos défilés, vos brigades ?
Ah, Vladimir Vladimirovitch !
Où sont tes bons soldats ?

Camarades et soldats
tous trop loin de l’Ukraine
de ses tanks, hélicoptères
avions, lance-roquettes et lugubres escadrons
tous trop loin de Slaviansk
où se meurt
seul
sans aide
le noble peuple du Donbass.

02/06/2014

Pro-russe

Pendant qu’ils pontifient
dans les médias
Ukraine et patati, Russie et patata
il y a quand même des gens
qui meurent - me dis-je,
des hommes, des femmes, des vieux et des enfants
qui tombent par centaines sous les balles
mortiers et chars et obus
avions et hélicoptères en rafale
à Slaviansk, Donetsk, Lougansk et Marioupol.

Ah, mais ! faudrait voir
à ne pas confondre ! disent les pontifiants.
Ceux-là, ce ne sont pas des gens
comme vous et moi, ce sont des pro-russes.

Le pro-russe, voyez-vous,
est une espèce étrange
n’ayant d’humain que l’apparence
une quelque peau
sans chair ni os ni muscles ni cerveau
ce sont, disons, des silhouettes vagues
qui s’évaporent sans traces
quand on leur tire dessus
ne vivant pas vraiment
mourant à peine
des ectoplasmes, en somme
par conséquent
pourquoi s’y intéresser ?
De se soumettre à nos amis
les nouveaux maîtres de Kiev
c’est leur destin. Si non
il leur faudra goûter
à d’autres bontés explosives et disparaître.

Ainsi éclairé
j’éteins la télé et prépare mes affaires.
Je pars faire la guerre avec vous, mes frères
gens de Slaviansk, Donetsk, Lougansk et Marioupol.