27/06/2013

Jérôme Kerviel

Un cauchemar, Jérôme
depuis ce week-end où
paniqués
ils ont eu la riche idée de faire de toi
leur Grand Bouc-Emissaire.

A l’époque on s’attendait 
à ce que l’une ou l’autre
Banque explose
mais « on » ne savait rien de précis.
Tes patrons
eux, ils savaient
la grande tempête était là
ils y voyaient clairement
leurs têtes
flotter dans le vent.
Fallait sauver son cul et vite
mais comment, comment ?

Quelqu’un a pensé à toi,
petit Génie aux positions
fougueuses
et acrobatiques.
Est-ce qu’on peut, nom de Dieu 
transformer
l’exposition de ce type
en pertes ?

Oui, non
ils ont dû hésiter
c’était risqué, mais la tempête
approchait, éclairs
et tonnerres
plus de temps à perdre,
allons-y, au boulot !
Le maquillage commence
positions débloquées
trou noir créé,
si grand
que tout leur fric-frac y disparaît.

En quelques heures
le meurtre est consommé, puis
l’assassin crie au vol
au viol, à la trahison.
Adieu le Génie
bienvenue le Génie du mal.
Incrédules
on a pensé que la Banque
allait clamser
mais décidément « on » ne connait rien
aux Grands Escrocs
en bande organisée.

Donc ça a marché. Embrouille,
pognon par l’Etat
1,7 milliards
excusez du peu
mais il leur fallait plus, il leur fallait ta peau
pour en sortir blancs
comme premiers communiants.
Garde à vue, tribunaux, prison :
mission accomplie,
rayé de la carte le Génie.

La morale de l’histoire
c’est qu’il n’y a pas de morale
juste le goût amer du monde
tel qu’il est.
Certains diraient
qu’on finit toujours
par se faire avoir quand on prétend
jouer avec l’argent
des truands
même avec leur consentement.

Moi je préfère saluer ta dignité
Jérôme, et ton combat
contre les nouveaux Goliath.
David se tient à tes côtés,
à lui seul un don que la vie
nous fait
pour rester debout.

Tous les deux, prenez soin de vous.


20/06/2013

Vice et Vertu

La Vertu c’est la Terreur !
Ainsi le Vice triomphant
quand il s’en va
philosopher en ville
se répandre dans les médias, s’insinuer
chez les gens. Qui
ne l’a pas entendu
clamer la vanité ou l’illusion
que dis-je ? l’erreur funeste, fatale
de trop vouloir
corriger l’injustice, rétablir la morale
soumettre l’argent ?

Il sait parler le Vice, il a des lettres
il déploie ses panoplies, ses distinguos
ses algarades
il moque, gronde, menace
et cligne de l’œil.
La Probité ? Ce vieux linceul démagogique !
Le Vice étant, lui, on ne peut plus
Démocratique
fraudes, évasions du fisc
détournements, valises ou corruption
rien d’aussi peu
ne l’émeut.

Moraliser ? Quelle folie populiste !
Insiste le Vice passant
de Radios en Télés, pérenne invité.
Est-ce en vue
de mieux protéger ses Affaires ?
Peut-être surtout
le doux plaisir
de démolir la Vertu, un jeu
aux mille occasions jamais perdues.
Drôle d’époque – dites un peu-
où les singes grimpent aux arbres
le cul merdeux.

13/06/2013

Finchè un tetto vero

I morti ce l’hanno la casa,
signor sindaco,
qui a V. gliela scavo io.
Una tomba dopo l’altra
belle fresche
allineate
e i parenti ci mettono i fiori.

Ma io che di giorno
scavo
belli spazi ai cari estinti
di notte mi stringo
con moglie e due figlie
in macchina, io la casa
non ce l’ho più.

Ammazzarmi ci ho pensato,
ma la famiglia?
Allora ci siamo messi qua
nella camera mortuaria
e qua restiamo
finchè un tetto vero
non la troviate pure a noi. Tanto

qualcosa da raccontare
gli appena morti ce l’hanno sempre.
Certe storie! Anche
peggio della mia. Io li ascolto
ma che ci volete fare?
Loro sono defunti
noi ancora no.

12/06/2013

Re-food

A Lisbona Hunter Halder fa cosi’.

Raccoglie per ristoranti
bar, tavole calde
il cibo
non consumato
poi lo va a portare
a chi è troppo povero
per non avere fame.

Lo fa nel suo quartiere,
Nostra Signora di Fatima.
Cosi’ li’ hanno tutti
un pasto
al giorno, ormai.
Lui dice, pudico: una
integrazione alimentare.

L’apparizione di Maria
non c’entra nulla, quello
è un miracolo
della vita quotidiana.
Hunter lo chiama 
Re-food,
a me sembra che voglia dire Amore.

07/06/2013

Clément Méric

Clément, j’aurais aimé te connaître
avant, au lieu de découvrir
ton doux visage
sur cette photo en noir et blanc
quand déjà

j’aurais aimé être ton ami
avant que la bête ne te frappe
toi le frêle, le délicat
qui voulais et n’as pas pu
changer le monde à temps.

Tu connaissais le monstre hideux
aux soixante millions de morts
tu militais contre l’oubli
tu criais aux ignares qu’il est encore ici.
Hier tu l’as rencontré

dans les rues mêmes de Paris
comme trop souvent en France
de plus en plus souvent
dans cette Europe moisie.
Rien n’y fait, Clément

tout recommence et tu l’as payé
de ta vie. Faut dire que
la vie des doux rêveurs ne compte
pas grand-chose, le monde
se vautre dans son immense laideur.

J’aurais tant aimé, Clément
être ton ami, ton camarade avant
que le rouge sang n’envahisse pour
toujours ton cher visage

en noir et blanc.

05/06/2013

Taksim

Istanbul se teint de gris
nuages lacrymogènes, gaz tirés par milliers
canons à eau déversant la tempête.
Partout la violence des uniformes
partout nos cris blessés, mais ici nous sommes venus
ici nous restons, debout, accrochés aux arbres de Gezi,
par leur ombre silencieuse protégés.
Taksim, jours de révolte.

Turquie, ta démocratie vantée
n’est qu’un bâton robuste, une main de fer
qui se rêve Sultan. Derrière les cravates
lugubres comme autant de faux sourires
on enrage de reconstruire
la Porte, de mélanger FMI et Coran
dans une potion amère afin de nous l’administrer
de force, et régner.

Projet risible à l’échelle de l’histoire,
terrible à celle de nos vies.
Il nous faudra encore pour le déjouer
cracher les gaz, endurer la prison
suffoquer nos pleurs, oublier nos blessures
nous serrer mille fois autour des arbres de la liberté
à peine apparus et déjà promis
à la scie électrique.

Rude la bataille pour la vie pleine
quand tout est confusion, certains
ayant usurpé le mot même de Frères.
Ne vacillez pas, peuples du Caire
et de Tunis, Istanbul se joint à vous
dans l’air teint de gris, nuages lacrymogènes
gaz tirés par milliers.

Taksim, jours de révolte.

01/06/2013

La porta è aperta

Besate, provincia
di Milano, terra di
lontano
miracolo economico.

Li’, porte
solitamente chiuse sulla
roba
sudata col laurà.

Una, no.
Fuori c’era
scritto
“la porta è aperta”

dentro, moglie
e marito pronti per
quelli
dello sfratto

lei strangolata,
lui impiccato. La
casa
che tanto vale

cosi’ l’hanno lasciata,
adesso vanno
incolonnati
anch’essi

nel tuo lungo
corteo-funerale
Italia,
giorni e speranze addio.

Vita deserta,

la porta è aperta.