28/11/2012

La liste


Y aller par quatre chemins, c’est terminé.

Fini le brouillard doucereux
des mots qui flattent l’ouvrier
le communisme a vécu
on peut parler cru
les responsables de la crise
sont connus
et nommément désignés.

Les salariés trop payés, les chômeurs fainéants
les immigrés, les syndicats, les enseignants
les fonctionnaires, toute administration
Etat, villes, départements, Régions
les fraudeurs à la Sécu, les faux handicapés
les resquilleurs, les 35 heures, les vacanciers, les RTT
les mineurs désœuvrés, les retraités
les malades trop malades
les jeunes trop jeunes, les vieux trop vieux
le fisc, les Postes, les Trains
les punks à chiens, le temps qu’il fait.
Cela ne suffit pas ?

Nous avons en réserve l’Inde, la Chine
et autres BRIC émergeants ou émergés
les PIGS et le déclin de l’Occident
la mort de Dieu
les drogues, alcools et tabac
les célibataires, gays, lesbiennes, les familles recomposées
l’islam, le rap, les rave-party, Lady Gaga
l’art qui n’en est pas, les ours des Pyrénées, les loups
les requins de la Réunion
bref
les seuls hors de la liste, c’est nous.

Crise, dette, chômage, misère, suicides, dépression ?
Ce sont bien les victimes
qui posent question
nos experts de renom
le répètent chaque jour, à la télévision.
Exemple. Une usine va fermer.
A la télé les experts tiendront ce discours
aux travailleurs licenciés

Ouvriers,
les courbes du Cash Flow et de l’action
croisées avec la chute du ROE
du Forecast et du PIB
ne laissent guère le choix 
pour sauvegarder l’emploi
vous allez perdre votre emploi.

Vous craignez la misère ? Pourquoi ? La misère c’est si peu !
Vous protestez ? Inutile, hasardeux !
Vous votez la grève ? Dangereux !
Vous êtes en colère ? N’aggravez pas votre cas !
Vous voulez tout faire exploser ? Surtout pas ! acceptez
désormais le monde tel qu’il est !
Vous refusez ?

Conclusion des experts.

L’obstination irraisonnée des ouvriers
s’arc-boutant à leurs propres dépens
sur les privilèges du passé
les rend responsables –hélas !
de leur malheureuse destinée.

Y aller par quatre chemins, c’est terminé.

22/11/2012

Sur le terre-plein de Belleville


Sur le terre-plein de Belleville
samedi matin dans la bruine
les filles du Wenzhou attendent les clients
debout la plupart
d’autres accroupies sur leurs talons
certaines fument en clignant des yeux
une à l’écart contre un mur adossée
lit son journal
aux idéogrammes mystérieux.
Que veut-elle

savoir qu’elle ne sache déjà ?
La vie est dure
ici comme là-bas, nul besoin
pour l’apprendre de feuille imprimée.
Une annonce peut-être
ou le mariage d’une fille
en longue et blanche Limousine, robe rouge
et tout ce qui brille, si près
si loin
du terre-plein de Belleville.

Pendant qu’elle lit
un type survient au regard incertain
pas tout à fait ouvert
pas tout à fait éteint. Il s’arrête
on dirait qu’il déchiffre lui aussi
puis il tape dans le journal,
doucement.
La fille sans un mot le replie
et commence à marcher devant,
l’homme la suit.

16/11/2012

Picchiate, picchiate sui romanzi


Picchiate, picchiate sui romanzi
sul Satyricon
sul Nome della Rosa, sull’Orlando
sul Gattopardo
picchiate, picchiate sui poeti
su Lucrezio, Dante, Ungaretti, Petrarca
su Leopardi

picchiate, picchiate sugli scudi di carta
innalzati dai millenni
l’eco dei vostri manganelli
risuona mentre fate a pezzi
gli studenti li’ sotto stretti
mentre frantumate le tracce
dell’anima d’Italia.

Picchiate, picchiate sulla civiltà
è il vostro lavoro
lavoratori del manganello
picchiate senza sosta sui libri
e sui lettori, poi
picchiate sugli Autori. Andate a caccia
dei pochi ancora vivi

ma non dimenticate i morti
cosi’ pericolosi di bellezza.
I Grandi Morti
uno per uno
ammazzateli di nuovo
affinchè nessuno più
prenda esempio da loro.

Il Capitale globale circola meglio
senza pensiero.
Picchiate, picchiate sui romanzi.

09/11/2012

A ceux qui voudraient


A ceux qui voudraient
nous chasser de la Cité
je réponds :
inutile
ne voyez-vous pas
que la Cité a disparu ?

A ceux qui voudraient
reconstruire seuls la Cité
je réponds :
impossible
ne savez-vous pas
que la Cité c’est nous ?

Il n’est pas de Poésie
désincarnée
nous sommes la chair
de la Cité
les signes, les pas
de mille humanités.

A ceux qui voudraient
engloutir la Cité
nous y noyer
en proclamant :
ruines et traces
ne sont plus d’actualité

je réponds :
allez-y
tuez-nous tous
et quand vous serez seuls
confiez le peu d’âme
qui vous reste aux machines

quand la lumière s’éteindra
dans le dernier Bang
technologique
vous aurez enfin
ce que vous cherchez tellement,
votre éternité noire.

08/11/2012

Barack


On est contents, Barack
tu peux voir ça ?
Une vague de soulagement
parcourt la planète
mais ne crois pas
que ça soit vraiment pour toi.

On est contents
que Wall Street ait perdu
cette bataille
eux qui ne perdent jamais
ni un centime ni leur morgue
que les Banquiers n’aillent pas
s’installer directement
à la Maison Blanche
alors qu’ils y sont déjà
tu vois le peu qu’il nous faut
à nous les petites gens
pour être contents.

On est contents
je n’ai pas dit heureux
comme il y a 4 ans
quand on espérait tellement
faut dire qu’à l’époque
on n’avait pas compris
que la guerre était perdue
et qu’il nous resterait
le choix 
entre se rendre ou encore saigner
juste pour avoir le droit
de continuer le combat.

On est contents, Barack
d’avoir fait face au désespoir.
Ceux qui t’ont réélu
vont retourner ce soir
à leur vie compliquée
en arborant un petit sourire.